28 November 2024, Michèle Tosi, ResMusica
Review (fr)
Le Livre pour voix d’Heiner Goebbels
Dans le cadre du Festival d'Automne et en lien avec la sortie du livre d'écrits d'Heiner Goebbels intitulé Contre l'œuvre d'art totale aux éditions de la Philharmonie de Paris, A House of call – My Imaginary Notebook d'Heiner Goebbels met sur la scène de la Salle Pierre Boulez l'Ensemble Modern Orchestra avec lequel le compositeur allemand collabore depuis plus de 25 ans.
L'orchestre avec les vents par trois occupe tout l'espace du plateau, positionné en direction du chef Vimbayi Kaziboni qui dirige à cour, un clic dans l'oreille pour être en synchronie avec le support des sons fixés. Quatre sets de percussions se déploient en fond de scène, la phalange allemande de Francfort accueillant au sein de ses pupitres une harpe, un piano, deux guitares (sèche et électrique), un santur et un accordéon, autant de couleurs qui seront mises en vedette. Au fil des enregistrements – une mosaïque de quinze titres répartis en quatre chapitres – la formation orchestrale se modifie, libérant pour un temps la masse des cordes aiguës pour ne garder sur scène que l'effectif du big band et son impact rythmique.
Le concert commence sans prévenir (Introitus : A Response to Répons), mettant Pierre Boulez en tête d'affiche, l'orchestre s'ébrouant dans un foisonnement sonore étonnant jusqu'à une fracture nette, comme un éclair : c'est le compositeur lui-même, épaulé par Hendrik Borowski, qui assure la mise en lumière une œuvre qui se veut également spectacle pour les yeux. La première partie, Stein Schere Papier (« Pierre ciseaux feuille ») charrie un matériau essentiellement hétérogène, donnant à entendre des voix de théâtre fragmentées par l'orchestre (Immer den gleichen Stein) ou celles du chantier de Berlin (Under Construction) et ses bruits qu'intègre l'écriture orchestrale. On saisit mieux les intentions du compositeur dans Grain de la voix, deuxième chapitre, où l'enregistrement parfois ténu de l'archive sonore (les voix de prisonniers de Nu Stiri) suscite des alliages instrumentaux aussi inattendus qu'originaux. Les réponses sont musclées et la dominante rythmique dans Wax and Violence(Cire et violence) dont les quatre numéros mettent en avant les ressorts d'une percussion très active. When Words Gone (« lorsque les mots ont disparu ») cite Beckett et constitue un dernier chapitre d'une plus grande économie de moyens, regardant vers l'action rituelle (Bakati). L'orchestre au complet y participe, les instrumentistes donnant eux-mêmes de la voix, sur une seule corde de récitation : sorte de mantra alliant le geste et les mots qui n'est pas sans évoquer la manière d'un Stockhausen.
on: A House of Call (Composition for Orchestra)